Mohammed Ali Malek, 28 ans, a été reconnu coupable d’homicide, naufrage et aide à l’immigration clandestine. Seul ce dernier chef a été retenu contre Mahmoud Bikhit, un Syrien de 26 ans considéré comme son second à bord, qui a été condamné à cinq ans de prison.
A l’issue d’un procès mené selon une procédure accélérée, avec des audiences espacées et souvent à huis clos, les deux hommes ont également été condamnés à verser chacun plus de neuf millions d’euros d’amende. Tous deux avaient réfuté toute responsabilité dans le drame, affirmant n’avoir été que des migrants parmi les autres.
Mais selon les autres survivants, c’était bien Mohammed Ali Malek qui était à la barre lorsque le bateau, parti de Libye le 18 avril 2015 au matin, avait chaviré et coulé la nuit suivante, sous les yeux de l’équipage du « King Jacob », un cargo portugais envoyé à son secours. Depuis avril 2015, plus de 300.000 migrants sont arrivés en Italie et près de 7.000 sont morts ou disparus en Méditerranée.
Il n’y a eu que 28 survivants suite au naufrage du cargo. On estime que de 800 à 900 personnes, dont plus de 200 Maliens ont trouvé la mort au large des côtes italiennes.
Outre 24 victimes retrouvées la nuit du drame, la marine italienne a récupéré 219 corps autour de l’épave. Quelques mois après lors du renflouement du cargo, les pompiers ont rempli 458 sacs mortuaires. Selon les médecins légistes, ces sacs contenaient souvent des restes de plusieurs personnes et le total des victimes devrait atteindre 800 à 900 morts.
En annonçant ces chiffres en octobre le commissaire extraordinaire pour les personnes disparues en Italie, s’était indigné : « Comment a-t-il été possible de mettre jusqu’à 900 personnes là-dedans ? ». Les pompiers ont raconté avoir découvert des corps "entassés comme dans les trains pour Auschwitz", à cinq par m2 dans la cale, la salle des machines et même le puits de la chaîne d’ancre à l’avant. Les corps sont désormais enterrés dans des cimetières de Sicile.
Avant, il a été procédé à un relevé minutieux de tous les éléments pouvant aider à leur identification : échantillons ADN, documents, vêtements, tatouages, cicatrices... Les autorités italiennes cherchent désormais à retrouver les familles. Des contacts sont pris avec la Croix Rouge internationale et avec les ambassades d’Italie dans les pays d’origine et les pays européens où pourraient se trouver des proches.
Pour les associations maliennes de défense des immigrés, « cette condamnation n’a qu’une valeur symbolique ». Elle est loin de dissuader les réseaux de passeurs. Selon elles, les autorités maliennes et leurs partenaires européens doivent s’attaquer aux véritables causes de l’immigration, notamment le manque de perspective pour les jeunes.
Mamadou Konaté est chargé des questions juridiques à l’Association malienne des expulsés. Il est joint par Issa Fakaba Sissoko :
"Nous pensons que cela peut être une bonne chose. Je dis cela comme ça parce qu’avec les passeurs on craint que ces deux condamnations ne soient pas tout simplement de bouc-émissaires. Nous, nous sommes un peu réservés par rapport au fait que les pays européens se focalisent très souvent sur les passeurs comme étant de véritables causes du drame subit par les migrants dans la Méditerranée. Mais à y regarder de près, la condamnation de ces deux personnes a très peu d’influence sur la question du départ massif des migrants. Les gens en réalité vont par nécessité. Tant qu’on ne trouvera pas une solution à cela, les jeunes vont continuer à partir. Vous voyez chez nous, les jeunes, qui sont les plus exposés, sont toujours confrontés à des problèmes d’emploi. Chaque fois les autorités annoncent des créations d’emplois, mais que la population moyenne ne ressent pas".