Association Malienne des Expulsés

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Révolte à bord du 36e charter Debré

source : http://www.liberation.fr/france/199...

à cette époque, l’AME avait tout juste un an d’existence

Patricia TOURANCHEAU et Brigitte VITAL-DURAND 1 mars 1997 à 00:01

A Bamako, les expulsés ont saccagé l’avion et blessé vingt policiers français.

Au 36e charter affrété par Jean-Louis Debré depuis mai 1995, les étrangers expulsés de France se sont révoltés. Jeudi, à 16h30, un Boeing 727 de la compagnie Air Charter, filiale d’Air France, décolle de l’aéroport de Roissy avec, à son bord, 77 Maliens et 47 fonctionnaires de la Diccilec (Direction centrale du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins). Vers 19 heures, après une escale technique à Casablanca (Maroc), des « reconduits » commencent à s’agiter : « Les 28 sortis de prison expulsés pour des motifs de trouble à l’ordre public étaient plus chauds que les 49 étrangers dont les papiers n’étaient pas en règle », rapporte un policier de l’« unité d’escorte » qui a assuré le vol SF 480. Et c’est à l’atterrissage à Bamako que l’émeute éclate, faisant 20 blessés, dont deux sérieux, parmi les policiers.

Sièges arrachés. Selon un haut fonctionnaire de police, « quand l’avion s’immobilise, vers 23h30, trente expulsés essayent de casser des hublots, de défoncer la porte de la cabine de pilotage, arrachent des sièges et agressent les policiers ». Les portes s’ouvrent. Les policiers éjectent les « mutins » qui, sur la piste, ramassent le matériel de balisage, c’est-à-dire des piquets métalliques qui jalonnent l’itinéraire de sortie des passagers, des barres de fer, des bâtons, des cailloux, et « remontent à une vitesse folle dans l’avion, tapent sur tout ce qui bouge ». A l’extérieur, ils endommagent un réacteur et la carlingue avec des pierres. Vingt policiers maliens dépêchés au secours de leurs collègues français sont vite débordés. Une compagnie d’intervention finit par emmener les 77 en garde à vue. Le secrétaire général de l’Association malienne des expulsés (AME) de Bamako, Youssef Tounkara, ancien expulsé de France, attendait l’arrivée de l’avion, accompagné de trois autres personnes. Il assure qu’aucun « comité d’accueil » n’a été organisé. Contacté hier au téléphone, il raconte comment, avant l’immobilisation de l’appareil, « on voyait déjà, par les hublots, qu’il y avait de la bagarre. Des mains s’agitaient, il y avait des mouvements. Juste après l’arrêt de l’avion, j’ai vu un mec qui a été balancé sur la piste, directement par la porte, avant qu’on installe l’escalier. » Selon Youssef Tounkara, les incidents ont duré environ une heure et quart. « On a essayé de calmer les expulsés. Mais quatre d’entre eux avaient pris les matraques des policiers et s’en servaient. Plusieurs policiers français saignaient, d’autres étaient plus légèrement blessés, certains avaient les yeux au beurre noir. On était à deux doigts d’avoir aussi une bagarre entre la police malienne et les expulsés. » Ensuite, Youssef Tounkara est monté dans le Boeing : « Tout était cassé, les fauteuils, les hublots, il y avait des assiettes par terre. » Selon lui, « les deux parties sont d’accord sur l’origine de la bagarre. Elle a commencé quand un policier a sommé un expulsé de s’asseoir, et qu’il n’a pas voulu ».

Le 727 d’Air Charter est inutilisable, bloqué à Bamako pour une semaine. Un avion de Corsair a été détourné d’urgence pour embarquer les 47 policiers choqués et, pour la moitié, blessés. Après une escale à Marseille pour y soigner deux blessés graves, l’un à l’oeil, l’autre à l’épaule, l’avion a atterri à Paris-Orly vendredi matin. Vingt fonctionnaires, victimes de blessures qui vont du nez cassé et de la fracture de la main à des hématomes et des états de choc, ont été transportés à la Maison de santé du gardien de la paix à Paris. Passagers « scotchés ». « Il faut arrêter ces charters, affrétés pour des raisons électorales, nous a déclaré André Lenfant, chef du Syndicat national des policiers en tenue (SNPT), parce qu’ils sont inutiles, dangereux et pas humanitaires. » Il fustige la mise « en première ligne » des policiers qui « prennent les coups et font les frais d’une opération faite en dépit du bon sens alors que des indicateurs précis laissaient présager un tel risque », en pleine controverse sur la loi Debré. La Fasp (Fédération autonome des syndicats de police) met en cause « ce mode de transport qui multiplie les risques d’explosion de violence ». La CFDT Air France rappelle qu’elle dénonce « depuis des années les conditions inhumaines et violentes » dans lesquelles se passent ces expulsions : passagers « scotchés » sur leurs sièges, menottés, voire drogués ou « chloroformés ». Ce syndicat des navigants a d’ailleurs adressé, deux jours avant le vol pour Bamako, une lettre à Christian Blanc, PDG d’Air France, pour lui réclamer le « droit de conscience », la possibilité de refuser « de transporter des êtres humains dans de telles conditions ». Après la réunion d’une cellule de crise, vendredi, la compagnie Air France a renvoyé les poseurs de questions au ministère de l’Intérieur. Le même soir, à Bamako, les expulsés interpellés n’étaient toujours pas relâchés et l’ambiance était « tendue » dans la capitale malienne, selon la presse locale.

TOURANCHEAU PatriciaVITAL-DURAND Brigitte

samedi 1er mars 1997

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