Association Malienne des Expulsés

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Rue 89 / Immigration : quelle vie après le charter Paris-Bamako ?

Par Agnès Faivre | Journaliste | 19/08/2008 | 10H48

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Expulsés par la France, les travailleurs sans-papiers connaissent des retours difficiles au Mali. Reportage.

Manif' à Bamako contre l'expulsion d'immigrants par la France, en 2006 (Juan Medina/Reuters).

Au théâtre ce soir, des expulsés jouent leur propre rôle. Interpellation, garde à vue, centre de rétention, reconduite à la frontière, escorte, menottes… Sur scène, neuf personnages égrènent ces étapes du retour forcé sous forme de sketches. Nous sommes à Koulikouro, à une cinquantaine de kilomètres de Bamako.

Parce que le retour des Maliens refoulés est synonyme d’échec, ces comédiens d’un soir s’emparent du théâtre populaire, très ancré dans la tradition, pour exposer une autre facette de l’expulsé : celle du travailleur, soumis au durcissement de la politique d’immigration. Dans le public, Ousmane Diarra applaudit :

« Ici on est peu informé sur les lois des pays d’accueil. Beaucoup de familles pensent que leurs enfants sont renvoyés parce qu’ils ont commis des erreurs graves. Arrivés au pays, les expulsés se sentent comme des étrangers. »

Cet ancien travailleur migrant, lorsqu’il a été refoulé d’Angola en 1996, a créé l’Association malienne des expulsés (AME), pour défendre les droits des migrants. Avec une poignée de compatriotes expulsés d’Arabie Saoudite, de Zambie ou de France (« les Saint-Bernard »), ils cherchaient alors à recouvrer leurs biens dans les pays d’accueil. Aujourd’hui l’AME a élargi son champ d’action. Elle propose soutien humanitaire et permanence juridique aux nouveaux arrivants.

Des saint-Bernard pour aider les « piliers de familles » aux mains vides

Quatre millions de Maliens sont dispersés dans le monde ; « une véritable œuvre sociale ambulante » selon le président de la République du Mali Amadou Toumani Touré. La seule diaspora malienne en France injecte annuellement 180 millions d’euros au pays, un montant supérieur à l’aide publique au développement. Alors le débarquement d’un « pilier de la famille », les mains vides, est souvent mal perçu. Mamadou Keita a passé quatorze ans en France. A son retour il est resté plusieurs semaines terré chez une famille d’accueil à Kalabancoura, quartier proche de l’aéroport où transitent de nombreux refoulés. Impossible pour lui de se rendre chez ses parents, dans la région de Kayes :

« La première fois que j’ai envoyé de l’argent à la famille, c’est comme si j’étais devenu un homme… Arrivé ici, je me demandais ce que j’allais faire, sans relations, sans diplômes… »

Parmi les six membres permanents de l’AME, il est aujourd’hui secrétaire général. Un partenariat signé en 2006 avec la Cimade a donné lieu à un appui financier de 5 000 euros, et depuis juin 2007, l’AME est enfin plus opérationnelle. Elle dispose de deux petites pièces dans le quartier de Korofina, et d’un véhicule, qui permet à Mamadou Keïta de se rendre chaque soir à l’aéroport, où il propose une sorte d’accueil d’urgence aux expulsés. Ensuite, Innah Touré, secrétaire, s’entretient avec chacun d’eux : (Voir la vidéo.)



En 2002, 576 ressortissants maliens ont été refoulés par la France, contre 500 l’année d’avant. Pour le premier semestre 2008, on en compte déjà 351. Des chiffres qui pèsent de plus en plus lourd pour l’AME. Si elle répond aux premiers besoins, en termes d’hébergement, d’écoute, de conseil ou de soins médicaux en cas de violences policières, l’association se heurte à de nombreux écueils. A commencer par la réinsertion sociale des expulsés, dont la plupart ne pense qu’à regagner la France, légalement ou non.

Dans son bureau de fortune, Alassane Dicko, assistant technique, planche sur les recours juridiques possibles et soumet ses questions à la Cimade. Ils cherchent ensemble comment récupérer les biens et les salaires des expulsés. Il se concentrent aussi sur un phénomène qui a tendance à s’accentuer : le renvoi de travailleurs, pères de famille, et souvent mariés à des femmes françaises. Depuis les expulsions de Cachan en 2006, ce genre de cas s’est banalisé, comme l’observe Emma Chaouane, qui effectue son master de recherche en Sciences politiques à l’AME. (voir vidéo)



Le 17 juin dernier, Patrick Stefanini, adjoint de Brice Hortefeux, était à Bamako pour négocier les accords de réadmission et de gestion concertée. Si les autorités maliennes se montrent plus souples dans la réadmission des « sans-papiers », comme le prévoit l’accord, l’AME craint de nouvelles vagues d’expulsions massives. L’heure est aux négociations. Le Mali souhaite réviser à la hausse la liste des métiers « choisis », les fameux secteurs en tension. La France en propose 55, alors que l’accord signé avec le Sénégal porte sur 104 métiers. Une solution doit s’ébaucher d’ici à la conférence euro-africaine sur la migration prévue à Paris les 20 et 21 octobre 2008. Pour l’heure, l’AME continue d’accueillir des expulsés… Le mois de juillet a été étrangement calme. Si ce n’est ce débarquement groupé de 477 Maliens, reconduits par la compagnie Air Europa.

Photo : Manifestation à Bamako contre l’expulsion d’immigrants par la France, en janvier 2006 (Juan Medina/Reuters).

mardi 19 août 2008

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