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Les Echos / Le consulat de France à Bamako épinglé par une association

Politique de délivrance de Visa - La Cimade, service œcuménique d’entraide, vient de publier "Visa refusé", une enquête sur les pratiques consulaires en matière de délivrance des visas.

Depuis plusieurs années, les permanences de l’organisme d’assistance et de soutien aux étrangers se font écho du labyrinthe administratif dans lequel se perdent ceux qui demandent un visa pour pouvoir venir en France. Nous vous donnons l’essentiel du rapport sur le Mali. Suite.

Le point de vue des demandeurs maliens

Que les personnes aient ou non déposé un jour une demande de visa, qu’elles aient eu un accord ou un refus et quel que soit leur milieu social, toutes parlent du consulat français, de la manière dont on y est traité et de la difficulté d’obtenir un visa. Dans la mesure où l’essentiel de la procédure de demande de visa se déroule sur le trottoir, les conditions d’accueil des demandeurs éclatent à la vue des Bamakois qui empruntent chaque jour cette artère très fréquentée.

Cet accueil déplorable suscite un sentiment d’humiliation, même chez les Maliens qui n’ont pas l’intention de demander un visa pour la France. Un homme d’affaires dit ainsi : "Avoir un visa français, c’est aussi dur que d’entrer dans la chambre à coucher d’un président de la République. Ça blesse les gens, même ceux qui n’ont rien à voir avec les visas et qui ne feront jamais de demande pour venir en France. Mais tous les jours on voit la queue, l’attroupement devant le consulat. Alors on en parle très souvent autour du thé".

Ce sentiment d’humiliation est accru par l’incompréhension des refus qui ne sont ni motivés ni même expliqués oralement. Ce ne sont d’ailleurs pas tant les refus qui génèrent le plus de colère, mais la manière dont les demandeurs sont traités. Ce comportement du consulat à l’égard des ressortissants maliens est ressenti comme une offense. Un autre homme d’affaires déclare : "J’ai envie de dire à tous ces gens qui font la queue ‘arrêtez d’aller chercher des visas, on a encore une petite dignité’. Je ne me lèverai jamais pour avoir un visa touristique pour la France, je veux préserver ma dignité".

Un haut fonctionnaire déplore : "Les Africains qui ont été colonisés méritent un autre traitement. Cette culture commune fait obligation à la France de nous considérer autrement. Qu’ils veuillent gérer les flux migratoires, c’est parfaitement compréhensible, mais rien ne les oblige à traiter les personnes de cette manière, il s’agit d’êtres humains".

Cette attitude entraîne progressivement un rejet de la France et de la Francophonie. Les Maliens sont d’autant plus blessés par le comportement du consulat français qu’ils se sentent très proches des Français.

Un huissier de justice confirme : "C’est une forteresse, pourtant les Maliens ne sont pas terroristes. Tout le monde ne veut pas rester en France, nous aussi on a le droit de partir en vacances. Quand on veut partir et qu’on a deux mois, la moitié des vacances est foutue à cause des problèmes de visa. C’est le parcours du combattant, ça ne donne pas envie d’aller faire un tour en France".

Un haut fonctionnaire précise : "La situation est très mal vécue par des Maliens en raison des liens forts entre le Mali et la France. Des Maliens sont morts pour la France, il faudrait qu’elle s’en souvienne. Et l’on veut développer la Francophonie mais l’image de la France est ternie".

Le permanent d’une association déclare : "Ils vous donnent l’impression que vous venez quémander. Cela donne une mauvaise image de la France, même une haine de la France. On formate une nouvelle génération contre la France.

Tu ne peux pas aller en France même si tu as les moyens. Maintenant, les Maliens commencent à dire ‘Tout sauf la France !’. Mêmes les étudiants vont maintenant au Canada et aux Etats-Unis. Ils se sentent pourtant beaucoup plus proches de la France et il serait plus logique qu’ils fassent leurs études là-bas. Lorsqu’ils reviennent au Mali et qu’ils ont des postes importants, ils en veulent à la France et préfèrent travailler avec d’autres pays". Un homme d’affaire affirme : "C’est l’étranger qui détient votre image. Si vous le traitez mal, c’est votre propre image qui en pâtit".

Quelles perspectives ?

Depuis quelques années, le Mali s’est engagé dans un plan de modernisation de son système d’état civil, avec notamment le soutien de la France, des Pays-Bas, de la Belgique, de l’Unicef, du Pnud et de l’Association internationale des maires de la Francophonie. Cette opération est fondée sur la formation des acteurs, la sensibilisation de la population pour qu’elle prenne conscience de la nécessité de déclarer les faits d’état civil, et la mise en place d’un réseau permettant d’actualiser et de mettre à jour les registres.

Pour ce faire, un recensement de la population est en cours dont le but est de recenser tous les Maliens, y compris ceux qui n’ont pas de pièces d’état civil pour constituer un fichier central ouvert à diverses applications, avec attribution d’un identifiant unique à chaque Malien. Concrètement, il s’agit de :

- mettre en place au niveau local un système de collecte efficace de tous les faits d’état civil au moment de leur survenance à l’aide des registres de déclaration ;

- permettre un traitement rapide des informations, en équipant convenablement les communes et en assurant une formation adéquate des acteurs ;

- doter les collectivités territoriales d’unités de saisie informatisées capables de prendre en charge tous les faits d’État civil émanant des communes ;

- doter les régions d’équipement permettant de centraliser toutes les données des collectivités territoriales de la région en vue de la constitution du fichier et de la sécurisation du suivi et du contrôle des données ;

- mettre en œuvre des moyens permettant la création d’un fichier central.

Il faut espérer que cette réforme du système d’état civil permettra de résoudre les nombreuses difficultés auxquelles se heurtent actuellement les demandeurs de visa pour attester de leur identité auprès du consulat de France. Par ailleurs, depuis 2006, la France souhaite signer avec le Mali un accord de gestion "concertée" des flux migratoires et de co-développement.

Cet accord a pour vocation d’inciter les autorités du Mali à s’engager à contrôler les flux migratoires en échange de possibilités limitées de migration légale et d’aide au développement. Il s’inscrit dans le cadre de la politique de sous-traitance de la gestion des "flux migratoires", menée par la France et l’Union européenne.

Le projet d’accord contient notamment des clauses de réadmission qui faciliteraient l’expulsion effective des ressortissants maliens en situation irrégulière en France mais rendraient également possible le renvoi au Mali de ressortissants d’États tiers, principalement d’Afrique, ayant transité par ce pays avant d’atteindre l’Europe.

Malgré la forte pression exercée par la France pour parvenir à la conclusion d’un tel accord, le Mali résiste. Il conviendra d’être vigilant à d’éventuelles poursuites des négociations, car la signature d’un tel accord pourrait avoir des conséquences en matière de délivrance des visas.

- http://www.afriquejet.com/afrique-d...


Voir à ce sujet :

- La Cimade - Visa refusé - Témoignage de Mahamadou Keita de l’Association Malienne des Expulsés

jeudi 15 juillet 2010

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