Date et lieu : Bamako, les 20 et 21 Août 2021 au Centre du Secteur Privé à Hamdallaye ACI 2000
2. Bref rappel du contexte
Le séminaire s’est tenu dans un contexte marqué par de multiples défis d’ordre sociopolitique, économique, sécuritaire et sanitaire auxquels le Mali est confronté. En effet, depuis 2012, le pays est plongé dans un chaos politique et institutionnel favorisant ainsi les insurrections indépendantistes et terroristes, les conflits qualifiés d’intercommunautaires dans les régions nord et centre. Ces exactions ont porté un coup funeste à l’intégrité du territoire national dont une bonne partie a longtemps échappé aux contrôles des autorités légitimes. Plusieurs milliers de personnes ont été contraints de quitter leurs localités pour trouver refuge soit dans les Etats voisins, soit dans les régions sud du pays. A ces défis multidimensionnels, s’ajoute la pandémie mondiale de covid 19 qui a beaucoup impacté l’économie et la mobilité humaine.
Soucieuse du sort réservé aux migrants dans de tels contextes, l’ONG AME a cru bon d’inviter les acteurs de la migration à la réflexion afin de dégager des pistes de solution et de formuler des recommandations en matière de protection des migrants.
3. Cérémonie d’ouverture
Les mots introductifs du modérateur ont marqué le début de la cérémonie d’ouverture placée sous la présidence du Secrétaire Général par intérim du MMEIA. Le représentant du maire de la commune IV a été le premier à se voir accorder la parole pour souhaiter la bienvenue aux participants qui ont répondu massivement à l’invitation. Le représentant du maire, dans son intervention, a d’abord rendu un brillant hommage à l’ONG AME organisatrice de l’événement. Pour lui, la question de migration est d’importance capitale. Le présent séminaire constitue un espace adéquat de renforcement de capacité des acteurs sur les enjeux de la migration. Il a remercié toutes les personnes qui ont fait le déplacement en vue de prendre part au séminaire. Il a conclu ses interventions par un mot de bienvenue à son nom propre et au nom du maire de la commune envers tous les participants. S’en est suivi l’allocution du président de l’ONG AME qui a manifesté sa satisfaction à l’endroit des participants qui ont répondu massivement à l’appel. Il a rappelé un peu le contexte et les objectifs du séminaire.
En dernier lieu, la parole a été donnée au représentant du MMEIA pour son allocution et pour l’ouverture des travaux. A sa prise de parole, il a remercié l’ensemble des parties prenantes présentes dans la salle. Dans son intervention, il est ressorti que la migration était à la fois une opportunité et une réalité complexe avec des défis multiples. Ce qui justifie, d’après lui, l’omniprésence de la thématique dans les discussions et débats publics au plan national et international. Il a fait savoir que le contexte actuel était marqué par la présence de pandémie de covid 19 rendant davantage vulnérables les conditions des migrants. L’Etat est en train de fournir d’efforts pour faire face à ces défis en adoptant des stratégies efficaces en matière de protection des migrants. Enfin, il a déclaré l’ouverture officielle des travaux du séminaire.
Il y a lieu de rappeler qu’outre les participants, la cérémonie d’ouverture a enregistré aussi la participation de plus d’une dizaine de journalistes (presse écrite et audiovisuelle).
4. Déroulement des travaux
3.1 Première journée
Présentation du Consultant
En abordant le premier module portant sur « Introduction aux migrations internationales : faits et chiffres », le Consultant a jugé bon d’expliquer brièvement le cadre juridique et administratif dans lequel s’inscrit la migration à l’heure actuelle. Selon lui, le contexte juridique semble favorable aux migrants qui jouissent de la faculté de circuler librement, car aucun article d’aucun texte ne leur interdit cette liberté fondamentale. La migration est donc un phénomène naturel, un processus global qu’aucun pays ne peut arrêter. Il a illustré ses propos par les Etats Unis d’Amérique vers où les pauvres des pays européens ont migré il y a quelques centaines d’années et qui sont devenus aujourd’hui la première puissance mondiale.
Pour lui, la migration des africains vers les pays occidentaux est surmédiatisée alors que la réalité est tout autre. Pour ne prendre que le cas des maliens qui migrent vers l’Europe, ceux-ci ne représentent que 2% de la communauté migrante du pays dont la majeure partie (soit 96%) se trouve en Afrique.
Le Consultant a également rappelé dans sa présentation que le Mali n’a en aucun cas signé un accord de réadmission avec l’UE. La conséquence de ce refus fait partie des causes de la déstabilisation du pays.
Ensuite il a procédé à une clarification de certains concepts qui entrent dans le champ de la migration tels que : expulsion, refoulement, réadmission, retour volontaire, migrant clandestin, migrant irrégulier, refugiés, rapatriement, etc. Il en a profité pour nuancer entre les expressions « malien de l’extérieur » et « maliens établis à l’extérieur ». Au fond, ces deux expressions signifient la même chose ; la différence est seulement vocabulaire mais qui permet néanmoins d’exclure certaines catégories de personnes – les commerçants en particulier - qu’on serait tenté de les confondre avec les migrants, de certains avantages que seuls les derniers (les migrants) ont droit en temps de crises.
Après cette étape, il (le consultant) a cité quelques raisons ou causes qui poussent les gens à opter pour la migration irrégulière. Ces raisons sont multiples dont les plus déterminantes sont des facteurs économiques, sociopolitiques, sécuritaires, entre autres.
Discussions et débats au tour du module 1 :
La présentation du premier module a suscité beaucoup de questionnement et de discussions en termes de contribution. Certains participants ont fait savoir que les conventions internationales sur la migration ne sont pas ratifiées par la plupart des pays occidentaux, chose qui rend difficile leur application effective. Les conditions de détention des migrants dans les pays maghrébins ont aussi été pointées du doigt. D’autres participants n’ont pas approuvé l’idée que les jeunes maliens ne veuillent pas rester sur place pour travailler ; par contre, c’est le paysage économique dans leur environnement qui ne favorise pas le développement de leurs affaires. Un autre point de discussion a été la discorde au sein des organisations de la société civile qui défendent les causes des maliens établis à l’extérieur. La diversité des associations et organisations serait une faiblesse pour certains, alors que pour d’autres cette diversité n’est autre que le résultat de l’aboutissement du processus démocratique dans notre pays. Ces discussions, débats et questions ont clôturé le module 1.
La présentation des modules 2 et 3 :
La présentation de ces deux modules que le Consultant a jugé bon de les traiter ensemble a commencé dans l’après –midi. Elle a porté sur « les migrations en temps de la covid-19 : enjeux et perspectives (la protection des migrants étant une partie intégrante des enjeux, il n’est pas lieu de le faire un module à part) ». A ce niveau le Consultant a expliqué comment la pandémie de COVID 19 a affecté les migrants. En effet, il a souligné que compte tenu de la situation précaire des migrants lesquels n’ont pas d’assurance maladie pour leur prise en charge en cas de maladie, ceux-ci sont plus que jamais exposés à la pandémie. Les risques sont multipliés pour les migrants vivant dans l’irrégularité.
Les migrants se retrouvent en grand danger pendant leur déplacement – le regroupement en masse étant un facteur de contagion. Par ailleurs, la fermeture des frontières terrestres a provoqué l’augmentation des dépenses liées au voyage. Le détournement des chemins par les transporteurs au niveau des frontières est pris pour motif pour taxer encore plus les voyageurs (les prix ont presque doublé ou triplé sur certains tronçons). Aussi, avec le confinement, les migrants ont beaucoup plus du mal à sortir de leur cachette au risque de s’exposer et d’être arrêté pour violation des règles de confinement et pour violation des contions de séjour. Par ailleurs, leur condition de vie dans les foyers leur expose à un risque accru de contamination. Comme mesures d’intervention au profit de ces catégories défavorisées, l’Etat les assiste à leur arrivée au Mali, et aide ceux qui sont bloqués à pouvoir regagner le pays dans des conditions saines.
Discussions, débats et questions au tour des modules 2 et 3
Le Consultant a suscité les débats en posant une question d’importance majeure : Les programmes de vaccination anti covid 19 vont-ils couvrir les migrants dans leurs pays d’accueil ? Dans l’affirmative, auront-ils le courage de se présenter pour se faire vacciner ? Ces questions demeurent sans réponse. Néanmoins, les discussions ont permis d’apporter des éclaircissements aux points suivants : d’abord, la différence entre un migrant en détention et un migrant en rétention a été traitée ; le premier est l’affaire de justice et alors que le second fait l’objet d’une procédure administrative. Ensuite, l’éclaircissement a été apporté sur le cas des demandeurs d’asile qui voient rarement leur demande aboutir. Enfin, la situation des mineurs a été aussi abordée sous l’angle de traite et de trafic d’êtres humains. Ces discussions ont mis fin aux modules 2 et 3, et aussi aux travaux de la première journée.
3.2. Deuxième journée
La deuxième journée du séminaire a démarré avec la lecture du rapport des activités de la première journée. Quelques observations faites par les participants ont été intégrées dans le rapport qui a été par la suite validé par acclamation.
Présentation du quatrième module par les Consultants
Le quatrième module qui a été aussi le dernier portait sur le « mécanisme de coordination en vue de renforcer la synergie d’actions en matière de protection des migrants ». Aussitôt, le premier Consultant a attiré l’attention sur la diversité des acteurs qui prenaient part au séminaire, chose qui témoigne à la fois leur engagement et l’intérêt que les questions migratoires suscitent. Pour lui, les gens ont l’impression que rien n’est fait sur le terrain. Mais cette impression est trompeuse, car des actions sont menées à la fois par l’Etat et les organisations de la société civile qui s’inscrivent dans la bonne gouvernance de la migration au Mali. C’est le moment pour les OSC évoluant d’une manière ou d’une autre dans le domaine de la migration de se tendre les mains afin de mettre en place un cadre d’échange ou de synergie avec des objectifs clairement définis, des mécanismes de fonctionnement (réunions périodiques par rotation, journées d’études, etc.) déterminés, et un plan d’action réaliste en tenant compte de l’existant. Car le constat est qu’il y a un déficit de coordination et de concertation entre les acteurs de la société civile qui agissent en rang dispersé. Le Consultant a réitéré que la mise en place de cet espace était une nécessité pour produire plus d’impacts et être plus crédible aux yeux de l’Etat et des partenaires techniques et financiers. Pour le deuxième Consultant, ce cadre devrait d’abord s’organiser à trois (3) niveaux liées à la matière de la migration au Mali. Il en résulterait au premier niveau une coordination spécialisée des organisations et associations des maliens de la diaspora, au deuxième niveau une coordination spécialisée des organisations et associations des migrants de retour, et au troisième niveau une coordination des organisations et associations des immigrés au Mali. Il faudrait, par la suite, créer une coordination unique qui engloberait les trois niveaux susmentionnés. Les deux Consultants ont été unanimes de dire que ce travail exigeait un préalable par lequel il faudrait passer. Il s’agit de l’identification de tous les acteurs (OSC) de la migration en faisant ressortir les forces et les faiblesses de chaque acteur identifié afin de pouvoir dégager les aspects de la migration sur lesquels les efforts doivent être mutualisés.
L’un des Consultant a invité les acteurs d’être vigilants quant au choix de terminologie à utiliser. Pour sa part, il a recommandé l’expression « cadre de concertation » qui est plus souple et moins contraignant que l’appellation « cadre de coordination ». Un cadre de concertation ou d’échange permet à chaque acteur de garder ses spécificités et d’éviter le problème de leadership.
Discussions, débats et questions au tour du module 4
Les participants ont affirmé qu’il y a eu beaucoup de tentatives pour la mise en place d’un tel cadre, mais qui se sont toutes soldées en échec.
Un participant a fait savoir qu’un cadre similaire existait entre les organisations de défense des droits de l’homme dont le lead est assuré par la CNDH. Un autre participant a fait une mise en garde aux acteurs de la migration qu’en mettant en place un tel cadre de concertation, le mobile déterminant doit être la complémentarité dans la diversité. Une étude d’identification et de diagnostic des acteurs actifs s’impose au préalable. Il est également ressorti dans les discussions que les collectivités locales (niveau communal en particulier) ont des rôles majeurs à jouer. Les OSC doivent travailler avec les collectivités, et ces dernières sont appelées à intégrer les questions migratoires dans leur programmation (PDESC). Par ailleurs, le Ministère en charge des questions migratoires ambitionne de mettre les collectivités dans le cœur de la gouvernance de la migration. Il a été rappelé à nouveau que l’objectif recherché par le cadre n’était autre que de trouver une passerelle de synergie en vue d’une complémentarité entre les acteurs de la migration. Comme réponse donnée pour une question concernant le rôle de l’Etat dans la création de ce cadre, il a été dit avec clarté que l’Etat ne pourrait intervenir qu’en termes de coordination et d’accompagnement, mais au-delà il ne peut imposer quoique ce soit.
Certains participants ont également soutenu l’idée d’une campagne de communication envers l’Etat pour faire en sorte que les maliens de l’extérieur puissent porter leurs problèmes devant l’EID (Espace d’Interpellation Démocratique).
1. Principales recommandation formulées
• Réouverture des frontières terrestres, car leur fermeture n’a aucun sens dans la mesure où les frontières aérienne sont ouvertes ;
• Implication du Conseil National de Transition dans la résolution des problèmes opposant les organisations et associations d’aide aux migrants (cas particulier du HCME et du CSDM) ;
• Mise en place d’un cadre d’échange ou de concertation entre les acteurs de la société civile évoluant dans le domaine de la migration avec des mécanismes de fonctionnement souples, des objectifs définis et un plan d’action réaliste qui tient compte de ce qui existe déjà ;
• Intégration des questions migratoires dans les PDESC par les collectivités locales ;
• Communication auprès de l’Etat en vue de favoriser la participation massive des maliens de l’extérieur aux prochaines sessions de l’EID ;
2. Cérémonie de clôture
Le Président de l’AME a remercié les participants pour leur assiduité et de l’intérêt qu’ils ont porté au séminaire. Il a aussi remercié les consultants pour la qualité de leurs présentations et pour la pédagogie dont ils ont fait preuve afin de susciter de l’enthousiasme chez les participants. Le représentant du MMEIA, pour sa part, a aussi remercié l’ensemble des participants. Le représentant du maire de la commune IV a félicité l’AME et tous les participants avant de déclarer clos les travaux des deux jours de séminaire de formation sur la migration.
3. Conclusion
Les deux journées de séminaire de formation et de renforcement de capacité des acteurs de la migration se sont déroulées dans une atmosphère cordiale et instructive. La qualité des présentations du Consultant, la pertinence des questions soulevées ainsi que l’apport qualitatif et quantitatif des participants sont autant d’éléments qui témoignent de l’engouement suscité par le séminaire.