Après un demi-siècle d’indépendance, les Etas africains peinent toujours à mettre en place des politiques sociales et économiques répondant aux besoins et aux attentes des populations, surtout en termes de mobilité humaine et de protection de leurs citoyens à l’étranger.
La mauvaise gouvernance et les crises multiformes à répétition plombent les programmes de développement et brident les initiatives, particulièrement dans les secteurs sociaux de base (éducation, santé, accès à l’eau potable et à un travail décent, sécurité alimentaire). En un mot le bien-être.
Pour trouver des réponses à ces facteurs, les candidats entreprennent des projets migratoires au péril de leur vie en empruntant des routes qui deviennent de plus en plus mortelles depuis la création du Frontex (Agence de surveillance de frontières extérieures de l’Union européenne) et la signature des accords entre l’UE (Union européenne) et/ou des pays membres avec les pays de transit et d’origine des acteurs de la mobilité.
Le Mali n’a pas échappé à cette règle. Au fil des ans et avec les divers bouleversements socio- politiques dans les traditionnels pays d’accueil (en Afrique), les pratiques migratoires ont changé. Les points de passage se diversifient et les parcours s’allongent avec l’approche sécuritaire et la contribution des pays de transit à bloquer les flux de mobilité des personnes.
Les nombreuses formes de blocages dans les pays « tampons » maghrébins et les diverses opérations « humanitaires » de sauvetage, conduisent en réalité aux drames avec pour seules réponses visibles la répression, la rétention et le refoulement pour les plus chanceux, la mort sur les routes migratoires terrestres (faim et soif) et maritimes (noyades suite au chavirement des embarcations de fortunes ou par la crainte d’être repéré et reconduites) pour plusieurs.
Après Ceuta-Melilla et autres drames de l’émigration telle qu’à Lampedusa, le Mali vient de subir une lourde perte de candidats à la recherche du mieux-être au large des côtes libyennes en partance pour l’Europe. Ces candidats viennent majoritairement de la région de Kayes (une région d’émigration par excellence !) dont la plupart est originaires de villages du Nord du cercle de Bafoulabé (Sélinkegny, Madalaya, Kania, Djungo), l’un des plus enclavés et les pauvres du Mali.
Suite à cet événement tragique, l’Association malienne des expulsés (AME), l’Espace migration et développement en région de Kayes (EMDK) et l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) saluent tout d’abord la mémoire des victimes et adressent leurs condoléances les plus attristées à tout le peuple malien notamment aux familles des illustres disparus.
Eu égard à la plus value des mobilités humaines à la fois dans les milieux de départ et d’accueil (impulsion des dynamiques sociales, économiques ; transfert des compétences techniques, des savoirs-faires innovants, et mobilisation de partenaires autour du développement de territoires), nous condamnons fermement et regrettons cet événement tragique qui n’est que le résultat des dispositifs visant à réduire les mobilités humaines. Nous recommandons d’une part aux gouvernements des pays de transit comme d’accueil des acteurs de la mobilité le respect des droits de l’Homme et l’assistance aux personnes en danger.
Nous appelons les autorités maliennes à achever dans l’immédiat le processus d’élaboration de la Politique nationale migratoire en inscrivant dans les priorités :
§ L’orientation, la protection, l’assistance de tous les Maliens de l’extérieur ou souhaitant tenter leur chance ailleurs ;
§ Les initiatives de préparation/qualification des candidats à la migration ;
§ Les actions de développement des régions afin que les personnes ne soient pas obligées à migrer ;
§ La meilleure valorisation de la mobilité humaine et de ses acteurs.
Fait à Bamako, le 6 août 2014 Pour l’AME, Ousmane Diarra Président
Fait à Kayes le 6 août 2014 Pour l’EMDK, Bandiougou Diawara Président du Conseil régional de Kayes