Association Malienne des Expulsés

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Manifeste du 1er Mai de l’Association malienne des Expulsés / Droits du travail et migration

La question migratoire est devenue omniprésente dans l’actualité européenne et dans les relations entre les pays de l’UE et ceux d’origine des migrants. Au-delà des images frappantes des dizaines de naufragés sur les plages espagnoles, Italiennes et Grecques et par l’ampleur des candidats malchanceux entassés dans des centres de rétention temporaire aux abords des aéroports et des ports, les migrations aujourd’hui interpellent la capacité d’intégration de nos sociétés et les choix politiques de nos gouvernants. Elles mettent aussi en lumière les prétentions de l’UE à s’imposer comme un acteur majeur des questions liant la Migration et le développement des pays tiers ; engageant les pays tiers d’origine des migrants dans les dispositions de la lutte contre l’immigration clandestine et le renforcement de la migration légale de travail.

Si l’on admet que la compétitivité des économies européennes vieillissantes dépend de leur capacité à accueillir saisonnièrement les travailleurs étrangers, que le fonctionnement dynamique de la mondialisation passe par une solidarité et une coopération accrues entre les États membres de l’UE d’une part et avec les pays d’origine d’autre part ; la Convention des Nations Unies sur les droits de migrants ouvre donc un nouveau programme d’analyse sur la notion d’intégration, dans le cadre de l’axe de recherches "compétition, coopération, solidarité".

En effet, la protection des travailleurs immigrés pointe douloureusement le doigt sur les dispositifs de plus en plus restrictifs qui s’imposent en Europe occidentale et qui se propagent par ses effets sur l’individu et des conséquences dans les espaces de vie dans les pays d’origine des migrants. Il met ainsi en lumière les divergences fondamentales entre des discours théoriques à vocation externe où prédominent les valeurs démocratiques de tolérance, de non-discrimination et l’esprit d’ouverture ; et d’autre part des pratiques dictées par des objectifs de sécurité et d’exclusion.

Dans les années 1970, la reconnaissance de la vulnérabilité des travailleurs migrants avait présidé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies. Avec pour objectif d’accorder à ceux-ci un niveau de protection satisfaisant ; ce texte qui ne crée pas de nouveaux droits, mais vise avant tout à garantir l’égalité de traitement entre les migrants et les nationaux dans les mêmes conditions de travail-, la plupart des États membres de l’UE l’ont délaissé.

Les États Membres de l’Union européenne n’ont pas ratifié la Convention des Nations Unies sur la protection de tous les travailleurs migrants et de leurs familles (adoptée en décembre 1990) tandis que l’UE promeut la migration légale de travail au bénéfice des migrants saisonniers. Or, les législations nationales des pays d’accueil en matière d’immigration ont subi d’importantes modifications, aboutissant à l’insuffisance dans la protection des droits des travailleurs migrants.

Le regroupement familial et la protection sociale des travailleurs saisonniers pour les étrangers venant des pays tiers constituent deux exemples prouvant combien ces nouvelles mesures se révèlent à la fois non conformes aux droits de l’Homme et contreproductives dans la perspective de l’intégration présentée comme un objectif au niveau national et communautaire dans l’Espace UE.
De plus, le caractère peu contraignant des normes communautaires offre la possibilité aux Etats membres de l’UE de légiférer et aller vers des options de plus en plus restrictives contre les travailleurs immigrés.

Le droit au regroupement familial provient du droit de vivre en famille invoqué dans de nombreux textes internationaux et européens. Toutefois, il est explicité tel quel seulement dans deux textes : la Convention des Nations Unies, ainsi que la Convention 143 de l’Organisation Internationale du Travail sur les travailleurs migrants. Ni l’une ni l’autre n’ont été ratifiées par les Etats membres de l’UE qui sont principalement des pays d’accueil des migrants.

L’article 25 indique que « les travailleurs migrants doivent bénéficier d’un traitement non moins favorable… » en matière de rémunération, de conditions de travail, d’heures supplémentaires, de congés payés, de sécurité, « et toutes autres conditions de travail qui, selon la législation et la pratique nationale, sont couvertes par ce terme », y compris les prestations sociales.

Si la Convention des Nations Unies présente l’ambiguïté de soumettre les principes qu’elle édicte aux législations nationales, la convention n° 118 de l’Organisation Internationale du Travail (entrée en vigueur en 1964) est beaucoup plus claire et protectrice. Le principe retenu en droit social de territorialité des prestations par la Convention n°118 de l’OIT (Organisation Internationale de Travail) est que l’égalité de traitement doit être assurée à toute personne présente sur le territoire d’un des États parties, peu importe la durée et la régularité du séjour (article 3). Il suffit de résider sur le territoire national pour prétendre aux prestations et seule une condition de résidence habituelle, voire de durée de résidence peut être opposée à ce droit. La situation des travailleurs saisonniers donne un exemple probant : leurs perspectives d’installation sont restreintes, leur protection sociale est réduite au minimum, alors même que leur contribution au dynamisme de l’économie a été soulignée par de nombreux rapports de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques).

Les accords d’associations signés dans les années soixante entre l’UE et les pays tiers relatifs aux relations économiques contenaient des dispositions sociales et notamment l’égalité de traitement dans le champ de la sécurité sociale. Pourtant les accords de Cotonou avec les pays Afrique-Caraïbes-Pacifiques (ACP) remplaçant l’accord de Lomé le 23 Juin 2000 ne contiennent plus de principe d’égalité en matière de sécurité sociale entre les travailleurs africains et les travailleurs européens. Du coup, la ratification de la Convention des Nations Unies ainsi que l’application de la Convention n° 118 de l’OIT doivent être perçues comme fondamentales ces dernières années, alors que les régimes d’exception prévus par les accords bilatéraux tendent à disparaître.

Aujourd’hui, l’intégration des travailleurs migrants et de leurs descendants constitue une préoccupation majeure des gouvernements européens. Cela se traduit par la volonté de restreindre le nombre de migrants autorisés à rejoindre l’UE, et de recruter des migrants productifs, c’est-à-dire des travailleurs qualifiés. Les politiques mises en œuvre par les États membres et l’UE contredisent à la fois les droits des migrants dont la reconnaissance est indispensable à toute politique efficace, mais également la logique même de l’intégration poursuivie par l’UE dans le respect de ses valeurs démocratiques.

La limitation du regroupement familial ne semble pas être en cohérence avec la volonté de faire venir des travailleurs immigrés, puisque elle portera préjudice à l’attractivité de la France comme pays d’accueil : comment pouvez-vous attirer le moindre travailleur Malien ou Sénégalais quand son droit de faire venir sa famille dépendra d’une connaissance suffisante de la langue française ? »

La protection des droits fondamentaux appliquée aux travailleurs migrants doit être voulue pour le pays d’accueil ; mais aussi parce que l’intégration des ressortissants des pays tiers sur le territoire européen dépend du respect de ces droits et ne doit pas être assujettie à une limitation des flux telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.

Elle permet aux migrants de rester en contact avec leur pays d’origine avec le droit au retour, le droit à des visites occasionnelles, le maintien d’un lien culturel ; la participation des migrants à la vie politique de leur pays d’origine ; et le droit des migrants à transférer de l’argent issu de leurs revenus vers leur pays d’origine. Elle n’est donc pas un élément d’attraction des flux migratoires en soi, mais plutôt un facilitateur d’intégration, de justice sociale et un facteur de détente des relations avec les pays de départ des travailleurs migrants à la recherche du mieux être ailleurs.

En ce jour du 1 er Mai « fête du travail » les travailleurs immigrés expulsés des pays d’accueil de l’UE saisissent cette opportunité pour alerter les responsables politiques européens et Africains quant à l’érosion des droits des immigrés en situation régulière et irrégulière.
Ce manifeste vise à souligner le paradoxe entre les volontés affichées d’intégration dans l’espace UE et les violations flagrantes des droits des travailleurs immigrés.

Bamako le 1 er Mai 2011/ Pool Plaidoyer et Communications Réseaux Solidaires AME.


Voir à ce sujet :

- Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
Adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/158 du 18 décembre 1990
http://www2.ohchr.org/french/law/cmw.htm

- C143 Convention sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975
http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/c...

- C118 Convention sur l’égalité de traitement (sécurité sociale), 1962
http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/c...

- Accord de Cotonou (2000)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord...

dimanche 1er mai 2011

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